Où sont-ils ?

Je suis au chaud et je me demande où ils sont maintenant.

Thomas et Ismaël ont passé le week-end chez moi. Ils n’avaient aucun bagage, aucun sac, juste les vêtements qu’ils portaient. Ils vivent dehors depuis des mois, dans un pays dont ils ne connaissent pas la langue et en butte à une hostilité institutionnelle et à un harcèlement policier (entre autres choses, saviez-vous qu’ils -les flics- viennent régulièrement les réveiller pour les empêcher de dormir ?).

Ils ont l’âge de lycéens, voire de collégiens. Ces gamins rasent les murs et se cachent, prennent des risques incroyables et se font maltraiter. Ça ne se passe pas en un autre temps, ni en un autre lieu. C’est ici et maintenant. Comment en est-on arrivé là ?

L’exploitation électoraliste des peurs irrationnelles et fantasmées de nos soit disant représentants me débecte. Ne voyons-nous pas que nous pouvons les traiter autrement sans courir aucun danger ? Au contraire même. Le danger est de traiter autrui, quel qu’il soit, ainsi. La bêtise crasse et le manque d’empathie que je vois chez beaucoup trop de monde autour de moi me sidèrent.

Habitants de la métropole lilloise, nous pouvons faire quelque chose : nous nous organisons entre chauffeurs et hébergeurs, et nous nous relayons, pour que des gamins comme Thomas et Ismaël puissent le temps d’un week-end avoir un peu de repos : un vrai toit, un lit, une douche, une lessive, une nuit complète, une prise pour recharger le téléphone et appeler la famille. Et pendant quelques heures ne pas avoir à se cacher. Faites passer le message…

Ils sont discrets et tout calmes. Ismaël a un rire aigu et enfantin. Ils sont repartis hier. Je suis au chaud et je me demande où ils sont maintenant. Ils sont partis pour essayer de « passer », les flics feront ce pourquoi ils sont payés (ils ne seront jamais assez payés pour faire ce qu’on leur demande). Et moi je continue à vivre normalement. Je ne bouleverse pas mon emploi du temps. Mais dès que je pourrai le refaire et accueillir d’autres Thomas et Ismaël, je le ferai.

Il y a beaucoup de choses insupportables de par le monde. Il y a des choses sur lesquelles je ne peux guère agir. Il y en a pour lesquelles je peux faire au moins un peu. Si on me donne la chance de soulager, ne serait-ce qu’un peu une détresse si profonde, et que je n’agis pas, alors je perçois distinctement tout ce que j’aurais à perdre pour moi même…

Laurent

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